Jacques Schwarz-Bart a été au centre de plusieurs révolutions musicales : Néo soul aux côtés de D’angelo et Erika Badu, New Jazz en tant que membre fondateur de Roy Hargrove RH Factor. Il a créé deux nouveaux styles : Gwoka Jazz et Voodoo Jazz, réunissant la musique jazz avec ses origines afro-caribéennes et spirituelles. L’écriture impressionniste de Jacques Schwarz-Bart, son ton puissant et son langage varié – à la fois lyrique et angulaire – l’ont imposé sur la scène mondiale.
« Retourne immédiatement à Paris et supplie ton sénateur de te reprendre ! Tu n’as aucune chance de faire quoi que ce soit sur la scène de la musique en commençant à ton âge. Ca ne s’est jamais vu et ça n’arrivera jamais. » On ne peut pas dire que les encouragements des camarades de la Berklee School of Boston aient fusé lorsque Jacques y entra à l’âge de 27 ans !
Natif des Abymes, en Guadeloupe, fils de deux écrivains célèbres, son père André Schwarz-Bart, prix Gongourt 1959, sa mère, Simone, guadeloupéenne avec à son actif quelques chefs-d’œuvre de la littérature caraïbéenne comme « Pluie et vent sur Télumée Miracle ». Bachelier à 16 ans, étudiant à Sciences-Po, tout le destinait à la haute administration.
Lecteur avide de Carlos Castaneda (1925-1998 ; anthropologue américano-péruvien, ndlr) qui célébrait les sorciers toltèques enseignant à rester éveillé en rêve, Jacques retient une leçon de vie : faire de chaque jour un événement spécial, parce que cela peut être votre dernier jour.
C’est la mystique qui l’a amené à la musique. La mystique africaine qu’il découvre à l’âge de 4 ans à travers le tambour gwoka, ainsi que les lewoz, ces espèces de cérémonies qui se déroulaient dans la noirceur absolue des campagnes sans électricité de la Guadeloupe. Des chants et des rythmes qui représentent clairement des appels spirituels. Cette espèce de passion pour l’inconnu reste une motivation dans sa démarche artistique. Pour lui, toutes les grandes musiques sont d’inspiration mystique.
Cet appel à la recherche des identités perdues au travers de la musique se fait de plus en plus pressant, Jacques abandonne sa carrière déjà bien écrite et à 24 ans se lance à corps perdu à la découverte du saxophone avec passage obligé à la Berklee School of Boston et un travail acharné. Au bout du long chemin, c’est la reconnaissance d’artistes prestigieux. On le découvre auprès du trompettiste Roy Hargrove pour son projet RH factor, les chanteurs D’Angelo et Me’shell Ndegeocell ou le batteur Ari Hoenig.
Se définissant avant tout comme un jazzman et gorgé de multiples influences venant d’Afrique, des Antilles, de la soul, du jazz, de la funk, sa quête charismatique est avant tout l’art du rêve. En 1998, il publie son premier album
« Immersion », sur Fresh Sound New, il sera jazz et en quartet. Passionné des rythmes gwoka de son île natale qu’il associe à sa pratique décalée du saxophone, il enregistre l’ambitieux « Soné Ka La » (Que résonne les tambours) (Universal) avec Lionel Loueke (guitare), les chanteurs Jacob Desvarieux, Admiral T et la diva néo-soul Stephanie McKay publié en septembre 2006 et encensé par la critique. Son auteur est dès lors placé au rang des meilleurs saxophonistes contemporains.
A l’automne 2008, « Abyss » (Universal) est dédié à ses parents. De ce troisième album plus intime auquel collaborent Reggie Washington, John Scofield, Guy Konquete et Elisabeth Kontomanou, s’échappe toute la poésie et le lyrisme du saxophoniste. Deux ans plus tard, « Rise Above » (Dreyfus Jazz) explore la fusion entre le jazz-ka et le groove funk de sa compagne Stephanie McKay, avec la complicité amicale de Me’shell Ndegeocello sur « Home ».
Il revient à la magie du quartet jazz en 2012 avec « The Art of Dreaming » (Naïve) qui réuni la crème des musiciens européens, le pianiste Baptiste Trotignon, le contrebassiste Thomas Bramerie et le batteur Hans Van Oosterhout Quatre têtes pour un seul et même songe vers l’hyperperception de la musique.
Aujourd’hui, Brother Jacques (comme on l’appelle à Spanish Harlem) fait partie des saxophonistes majeurs et des plus innovants. Il a sorti en 2020 le second volet de « Soné Ka-La : Odyssey » chez Enja Records et sortira en mars 2023 son prochain album en quartet : « Harlem Suite ».